Depuis quelques années plusieurs organismes dont le CRÉ, le PARMI et Fusion jeunesse ont créé un concours offert à tous les élèves du secondaire de Montréal. Grâce à l'accompagnement d'un étudiant universitaire en cinéma, les jeunes apprennent en six mois ce qu'est le milieu du cinéma, les différentes étapes liées à la réalisation d'un court-métrage et filment leur propre production de trois minutes sur le thème du dialogue interculturel. Voici le lien pour le site du concours :
Et un article sur le fondateur de Fusion jeunesse :
Point chaud - Réussite scolaire : innover par-delà le tableau blanc
11 novembre 2013 | Lisa-Marie Gervais | Éducation Le Devoir
Gabriel Bran Lopez en cinq dates
1983 : Il naît au Guatemala et immigre au Canada trois ans plus tard.
2007 : Il obtient son diplôme en communication de l’Université Concordia.
2008 : Il fonde Fusion Jeunesse.
2011 : Il est nommé « Entrepreneur social » de l’année par Ernst & Young.
2013 : Il remporte le prix Michel- Perron aux Grandes Rencontres sur la persévérance scolaire.
Il faut parfois se faire asséner la vérité en plein visage pour mieux rebondir. C’est un peu ce qui est arrivé à Gabriel Bran Lopez, à la tête de Fusion Jeunesse, un organisme de lutte contre le décrochage.
Encore étudiant à l’Université Concordia, il avait entrepris une tournée dans les écoles du Québec pour inciter les jeunes à persévérer. Sur un peu plus d’une heure de conférence, quelques minutes à la fin étaient réservées aux élèves. Que voulaient-ils pour leur école ? « Ils m’ont dit : “On en a marre des conférenciers comme toi !” », raconte avec humilité celui qui a récemment reçu le prix Michel-Perron aux Grandes Rencontres sur la persévérance scolaire. « Ils me disaient que je venais pendant une heure et qu’après ils ne me revoyaient plus jamais. J’avais beau être inspirant et drôle, je repartais, les laissant sans outils. »
Les jeunes voulaient des projets, et les enseignants, de l’aide et des ressources pour les mettre en œuvre. Gabriel Bran Lopez leur a répondu par un concept d’une « simplicité totale », croit-il. Et surtout « gagnant-gagnant ». « Au lieu d’envoyer des étudiants universitaires donner des conférences comme je le faisais, j’ai pensé qu’on pouvait embaucher de récents diplômés, des étudiants au bac, la maîtrise ou au doctorat pour aller travailler 15 heures par semaine dans les écoles et aider les jeunes à lancer des projets. »
Il est allé frapper aux portes des universités pour qu’elles lui fournissent argent et étudiants. Son alma mater a d’abord dit oui, puis McGill, l’Université de Montréal et ses écoles affiliées, l’UQAM et bien d’autres. De sept « coordonnateurs » universitaires dans deux écoles, Fusion Jeunesse est passé à 135 dans 70 écoles primaires et secondaires partout au Québec. C’est 60 000 heures d’engagement dont bénéficient 8000 élèves. Avec ses 130 employés, Gabriel Bran-Lopez est à la tête d’une entreprise sociale de 4 millions de budget qui n’a même pas cinq ans. Et lui en a à peine 30.
Robotique, multimédia, science, musique… « Pour l’étudiant universitaire, c’est une expérience professionnelle intéressante, une façon de devenir un citoyen engagé dans la communauté et, de l’autre côté, ça répond aux besoins des élèves à risque et de leurs enseignants. » Et c’est le milieu scolaire, les fondations et les entreprises qui financent les projets retenus. Bingo !
Gouvernement absent
Depuis quelques années, l’école est de moins en moins seule dans son combat pour la réussite. Le fameux village nécessaire pour élever un enfant s’est mobilisé. Mais le grand absent demeure le gouvernement, constate Gabriel Bran Lopez. « Le milieu de l’éducation innove. On a mobilisé des enseignants, des bénévoles, des commissions scolaires, des entreprises, des acteurs communautaires et corporatifs. On veut continuer à avancer, mais on ne peut pas le faire seuls. C’est aussi la responsabilité du gouvernement. Je lui tends la main. »
Et tout n’est pas une question d’argent. « C’est une question de stratégie, d’implication humaine, de ressources techniques… C’est pas juste un chèque en blanc pour acheter des tableaux blancs ou du matériel de façon aléatoire pour faire de belles activités avec de belles photos », souligne-t-il. « C’est irrespectueux envers les êtres humains qui sont dans les écoles que de leur envoyer des tableaux blancs si ce n’est pas nécessairement ça qu’ils veulent. »
Les initiatives ponctuelles, le « saupoudrage » et surtout le « one size fits all » sont à proscrire, croit le jeune homme. « Arrêtons d’avoir une vision à court terme et de mettre des ressources un peu partout et regardons ce qui fonctionne vraiment », lance-t-il, disant se garder de donner des leçons. « Chaque école est différente. L’une a une problématique de pauvreté, l’autre d’immigration ou de troubles d’apprentissage. Il faut écouter les écoles, elles savent ce dont elles ont besoin. »
L’écoute, c’est un peu ce qui fait la recette de son succès. « Ça prend du temps d’écouter, mais si on ne le fait pas, on va être rendus dans la même situation dans 20-30 ans. »
Certes, les directions d’établissements croulent sous la bureaucratie, manquent de ressources, et certains professeurs de la vieille garde n’accueillent pas toujours bien le changement. Innover, c’est aussi déranger, a remarqué le Guatémaltèque d’origine. Ne débarque pas dans une école qui veut, aussi louable que soit le projet. « C’est pas tout le monde qui dit oui. Mais nous, on commence par leur demander : “c’est quoi votre rêve ?” Et qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider à le réaliser ? »
L’école Saint-Henri s’est lancée dans un projet multimédia, Calixa-Lavallée a voulu un programme de musique, plusieurs autres écoles ont choisi d’apprendre à construire des robots et participent à des compétitions. « Certains projets ont mieux fonctionné que d’autres. On a fait nos erreurs », reconnaît le surdoué, qui a, entre autres faits d’armes, été finaliste à Canada’s Next Great Prime Minister à CBC. Fusion Jeunesse a été évalué par le Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire, et un rapport sera rendu en décembre, pour voir les progrès accomplis et permettre un réalignement, le cas échéant.
Les autochtones, grands oubliés
Jusqu’ici, les écoles en redemandent. Y compris les commissions scolaires crie et inuite. « S’il y a un thème qui n’est pas mis en avant quand on parle de persévérance scolaire, c’est la réalité autochtone », déplore Gabriel Bran Lopez, qui a fait du théâtre dans ces contrées lointaines au début de la vingtaine. Le gouvernement en parle à peine, on les retire des statistiques parce qu’ils font trop baisser la moyenne et même les Grandes Rencontres sur la persévérance scolaire, qui ont eu lieu la semaine dernière, sont passées à côté du sujet. « Je lance le défi d’organiser de façon inclusive et cohérente des rencontres sur la persévérance scolaire autochtone. On doit se parler. On a des approches complémentaires et on pourrait les partager. »
Voyant tout le potentiel à explorer chez les jeunes, Gabriel Bran Lopez ne peut s’empêcher de s’en remettre à sa propre histoire. Il a grandi dans une famille aimante d’immigrants de première génération dans les milieux défavorisés de Hochelaga-Maisonneuve et de Saint-Michel, mais on lui a permis de vivre toutes sortes d’expériences. Des voyages en Afrique, des visites d’écoles de tout le Québec et le théâtre, qui l’a gardé sur les bancs d’école. Plus tard, des gens d’affaires, comme son mentor L. Jacques Ménard, président de BMO Groupe financier Québec, l’ont pris sous leur aile. « Il y a dix ans, si tu m’avais demandé dans quoi j’allais travailler, jamais je n’aurais cru être le leader de Fusion Jeunesse », lance le diplômé en communication. « C’est un peu ça notre drive. On dit aux gens “réveillez-vous !” Les jeunes ont du potentiel et plein de capacités. On n’a pas le droit de ne rien faire pour les développer. »